L'histoire de Soumensac en feuilleton
Jean-Luc Borsato
Jean-Luc Borsato dont on connait la collection de photos anciennes est également un historien chercheur de l'histoire locale. Il a bien voulu nous confier quelques unes de ses histoires que nous publierons en feuilleton. Vous trouverez ci-dessous le premier épisode :
Histoire d’un Hold-up
Chapitre I : La Ligne de Démarcation
Le promeneur du dimanche qui s’en vient au village de Soumensac par la route de La Sauvetat du Dropt, jusqu’au Monument aux Morts, à l’entrée même du village de Soumensac, est bien loin de se douter qu’il lui suffit de se porter sur la gauche de la chaussée pour avoir un pied sur la commune de Saint Jean de Duras. Comment cette bizarrerie est-elle possible ? En a-t’il toujours été ainsi ? Et dans le cas contraire, comment en est-on arrivé là ?
C’est ce que nous nous proposons d’élucider ici.
Pour commencer, essayons de remonter dans le temps, jusqu’à retrouver des traces dans les archives, de documents faisant référence à cette question.
Et nous en trouvons !
En effet, le 30 Avril 1825, le Conseil Municipal de la commune de Soumensac, est réuni dans une séance extraordinaire, » pour délibérer sur les discussions qui se sont élevées entre Mr Le Maire de Soumensac et Mr Le Maire de St Jean, au sujet de la fixation des limites de leurs Communes respectives ».
A la lecture de cette délibération, on découvre des points très importants :
1-) La commune de St Jean de Duras a une existence très récente par rapport à celle de Soumensac, à peine depuis la Révolution Française.
2-) Son « invention » s’est réalisée au détriment de la commune de Soumensac car ses terres actuelles appartenaient à la commune de Soumensac.
3-) Les habitants des deux territoires ont protesté pendant plus de 40 ans de ce fait et ont réclamé avec vigueur la restitution à la commune de Soumensac d’une partie des terres dont elle fut dépossédée.
4-) Un Géomètre « délimitateur » avait même été dépêché pour en établir les limites rectificatives.
5-) Le projet fut tout prêt d’aboutir, et la raison pour laquelle il est resté sans suite, alors que toutes les conditions étaient réunies pour procéder la rectification administrative, est encore un mystère qui reste à élucider.
Voici le texte de la dite délibération :
« Considérant que la Délibération Cantonale du 16 Brumaire An 4, pour la séparation et délimitation des deux Communes de Soumensac et de St Jean, et qu’oppose Mr Le Maire de St Jean, fut prise dans un temps malheureux où l’on se plaisait à diviser pour détruire ;
Considérant que les Membres de cette Assemblée Cantonale, reconnurent néanmoins d’après l’énoncé même de leur délibération qu’attendu la précipitation avec laquelle ils délibéraient, on rectifierait dans un temps plus opportun l’irrégularité des limites qu’ils traçaient, ce travail ne pouvant être que très imparfait à raison de la brièveté du temps qui leur était accordé pour l’exécuter.
Considérant les délibérations que n’ont cessé de réitérer depuis l ‘An 8 les divers Conseils qui ont précédé, et toutes tendant à ce que les deux territoires de Soumensac et de St Jean, n’ayant été formés en deux Communes que par erreur, fussent réunis et remis au même et semblable état qu’ils étaient par suite de la Circonscription Municipale de 1789.
Considérant surtout les délibérations que M. Le Préfet a sous les yeux, qui furent prises simultanément et séparément le 25 Octobre 1811 par les Conseils Municipaux des Communes de Soumensac et de St Jean, dans lesquelles sont exposés franchement et de bonne foi de part et d’autre, tous les avantages qui résulteraient de la réunion de ces deux Communes.
Considérant que ces deux Communes n’auraient jamais dû être séparées, dans l’intérêt des habitants, et qu’il est bien à présumer que l’Autorité Supérieure les réunira dans un temps qu’elle croira plus favorable,
Vu le Rapport de M. le Géomètre délimitateur sur les limites entre la Commune de Soumensac et celle de St Jean, du 2 Avril 1825, approuvé par M. le Géomètre en Chef, dans lequel est parfaitement reconnue et motivée, l’irrégularité des limites tracées par l’Assemblée Cantonale, et qui sont d’avis de les rectifier, comme l’espérait l’Assemblée Cantonale elle-même, en prenant pour démarcation des dites Communes, la grande route départementale de Ste Foy à la Sauvetat du Drot.
Vu la justice de rendre au territoire de Soumensac une partie de celui qui lui a été enlevé et qui le rend si exigu, tandis que la Commune de Soumensac, à raison de sa petite ville chef-lieu de Perception, et par son établissement, aurait toujours dû l’emporter sur la Commune de St Jean, qui n’en était qu’un démembrement.
Vu surtout qu’il serait très nuisible, dans l’intérêt des deux Communes, d’entraver par le moindre retard, Messieurs les arpenteurs Géomètres dans leur opération sur l’encadastrement, le Conseil Municipal de la Commune de Soumensac, espérant toujours néanmoins que le vœu qu’il a exprimé si souvent dans l’intérêt de tous les habitants, pour la réunion des deux Communes de Soumensac et de St Jean, sera un jour écouté favorablement, est d’avis à l’unanimité que la démarcation des Communes de Soumensac et de St Jean soit formée par la grande route départementale de Ste Foy à La Sauvetat du Drot, comme étant la seule limite permanente et raisonnable qui puisse être proposée. »
Maire : Charles de Lubriac
7 Conseillers municipaux présents, dont Etienne Paul de Boëry.
Le rapprochement des communes qui est aujourd'hui recommandé tant par les instance européennes que nationales -la France détenant le record en matière d'instances administratives 36 000 communes ! quand il y en a 5 fois moins dans les autres pays d'Europe- était déjà à l'ordre du jour il y a plus d'un siècle. Voilà un beau sujet de débat pour les prochaines élections municipales.
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