20 mai 2008

Journal personnel des Rencontres Marguerite Duras

Le père de la célèbre écrivaine est originaire de Pardaillan. Elle-même a vécu deux ans au Platier non loin du Dropt entre Duras et la Croix de Moustier. Une de ses amies d’enfance, présente aux Rencontres, née en 1914 peut encore en témoigner. Après la guerre, quand elle se met enfin à l’écriture, Marguerite Donnadieu prend le nom de Duras. C’est sous ce pseudonyme qui deviendra mondialement célèbre qu’elle écrit son premier roman « les impudents » qui se passe sur les bords du Dor ; chacun y aura reconnu le Dropt évidemment.

Ce pays est la raison pour laquelle ont lieu une fois par an les Rencontres Marguerite Duras qui rassemble en duraquois la fine fleur des durassiens.

Cette année, elles ont débuté par un évènement littéraire. Marguerite Duras avait indiqué dans une de ses œuvres, « Outside », qu’elle avait écrit après la guerre, pour des raisons alimentaires, des romans populaires qu’elle n’avait pas signés. Christian Ollier, libraire au mas d’Agenais, a fait des recherches et a découvert « Caprices ». Le style, le vocabulaire employé, le récit, tout concourait à faire reconnaître ce court roman comme étant de Marguerite Duras. Après la très sensible lecture de Marie-Christine Barrault, il n’y avait plus de doutes : un inédit de Marguerite Duras avait bien été découvert par un bouquiniste agenais et la confirmation de l'annonce nous en était faite dans son pays, à Duras. A l’issue de la lecture avait lieu un débat avec des critiques, universitaires, écrivains. Tous sont convaincus qu’il s’agit bien d’une œuvre de la grande écrivaine, en particulier Dominique Noguez, écrivain, essayiste qui a été très proche de Marguerite Duras. Le sujet lui-même est bien dans son style : une belle jeune femme en vacances à Biarritz voit surgir de l’onde un jeune homme dont elle tombe amoureuse : description des corps, nageurs, bal au casino, numéros de téléphones échangés (Passy 13 21), l’adultère au bord de l’eau. Effectivement, tout cela fait très roman de gare, c’est le style de l’écrivain naissant qui fait l’œuvre.

Le samedi, plusieurs conférences dont celle passionnante de Joëlle Pagès-Pindon, universitaire sur « la musique mémoire du corps ». Elle distingue dans la musique la musicologie, la technique et le sensible. Evidemment, Marguerite Duras qui a fait un peu d’apprentissage du piano (la photo de couverture de l’affiche et du programme des rencontres la montre d’ailleurs assise à un piano) s’intéresse surtout au sensible. Pour elle, « la musique est l’enfance des mots et du langage, d’un temps d’avant la parole : l’autre de l’écrit. Si j’avais joué du piano, je n’aurais pas écrit » dit-elle.

En fin d’après- midi une jeune troupe interprète « Un barrage contre le Pacifique » dans une adaptation de Nicole Caillon et une mise en scène de David Géry. Très grand professionnalisme chez tous, une interprétation très sensible, très proche de Marguerite Duras. Le rôle de la fille est tenu successivement par plusieurs interprètes qui lui façonnent un personnage à multiples facettes. Le barrage est représenté par des piles de livres que le Pacifique balaiera d’un revers de main. Inventif, original. La mise en scène déroute pour mieux révéler ; elle n’illustre pas. Cette troupe est en fait constituée d'élèves de terminale, option théâtre, du lycée Lamartine. Leur enthousiasme, leur travail montre que l'enseignement peut communiquer la passion aux élèves.

Le soir lecture par Astrid Bas et Alain Vircondelet accompagnés au violon et au piano par Ami Flamer et Marie-Christine de Launey : ambiance soirée littéraire et musicale : la partition d'India song était sur le pupitre, lampe, chandelles…

Dimanche, dans le cadre du salon du livre, remise du prix Marguerite Duras à Annie Ernaux pour « les années ». Dominique Noguez prononce son éloge. Dans son discours de remerciement la récipiendaire rappelle que comme Marguerite Duras, elle est issue d'un milieu modeste (voir l'un de ses premiers livres La place). Claire Pasut, vice-Présidente du Conseil général, précise en lui remettant le chèque que c’est le prix littéraire le plus doté : 15 000 €. Après les discours des politiques, notamment Bernadette Dreux, maire de Duras, qui a rappelé l'origine du prix, le président du Conseil Général, récemment élu, reçoit à déjeuner les personnalités invitées dont le responsable culture de la Communauté de Commune, Bernard Patissou, maire de Soumensac.

Ces 11éme Rencontres ont été une très belle manifestation qui a su attirer des auditeurs et spectateurs. Pour mieux réussir encore, elles doivent montrer leur capacité de renouvellement, d’ouverture, d’adaptation et d'enracinement dans le terrain lot et garonnais caractérisé par un nouveau contexte politique.

A l’année prochaine !

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